Intérim des montagnes


Essaim de nuages
sommets butinés
mes yeux apiculteurs

Vies de proies


La vie ne tient
qu'à un fil
au bout duquel
nous gigotons
sur un hameçon

Une bonne pincée


La nuit saupoudre
quelques étoiles
dans nos yeux
Elle sait
mieux que personne
assaisonner le silence
Peut-être
qu'un de ces soirs
de chance
elle y fera tomber
la salière

Désolé pour le dérangement


J'écris tout bas
parce qu'un
gros poème
voulait s'en prendre
à celui-ci
qui m'a demandé
s'il pouvait venir
se planquer là...

Le secret de la pureté


La neige ce matin
se prend pour
une pluie silencieuse
dont chaque goutte
serait tombée
dans un bidon
plein de vérité

Nous sommes complets


Il n'y a
plus de place
pour toi
ici
Ma tête n'est plus
une porte ouverte
à la monotonie
Tu n'as plus qu'à rejoindre
si tu le souhaites
les autres tristesses
exilées
au fond de
mon estomac

Cours de danse


Combien sommes-nous
encore
à nous rendre
chaque matin
au cours de danse privé
dispensé par
la lumière ?

Les petites attentions

© photo : Jacques Ronchon

Longtemps
que je ne t'avais
pas fait tomber
le petit déjeuner
dans le lit

Même combat


Le plombier
va arriver
d'une minute à l'autre
Le robinet des chiottes
goutte un peu
Pas été foutu
de le réparer
tout seul
Pour l'instant
je fais dans
la précipitation
Avant qu'il n'arrive
j'aimerais bien
avoir le temps de
colmater ce poème
qui avouons-le
fuit un peu lui aussi
Le plombier et moi
même combat
même urgence
et chacun notre façon
de lutter contre
l'inondation

Question de confort


On est
plus à l'aise
le cul entre
deux chaises
qu'assis sur
ses convictions

Le lièvre peut reprendre à fumer


Rien ne sert
de courir
il faut apprendre
à perdre

***

Rien ne sert
de courir
il faut savoir
tricher

Pendant son sommeil


L'hiver sans relâche a pioché toute la nuit. Ce matin quelques-uns de ses trésors gisent ventre à l'air près de son corps épuisé. Automobiles parées de glace, petit oiseau gelé, perles de givre aux oreilles des brindilles. Il ronfle maintenant et son souffle apaisé vient se pendre au cou des passants. L'hiver, usé par une nuit entière a retourner la ville, s'est finalement endormi sans se soucier des rôdeurs. Et dans l'immeuble d'en face, collés contre la vitre, les yeux grands ouverts d'un gamin sont en passe de lui faucher son butin.

Les chaussures


[...]
Je savais bien pour la maladie, les accidents, la vieillesse et tout, mais mourir par manque d'amour ou de compagnie, ça, je n'en avais jamais entendu parler. C'est ce qui m'a donné envie d'en apprendre plus sur les inséparables.
Alors tous les soirs, Jules me racontait les aventures de ses oiseaux. Lorsque ses deux inséparables avaient crevé pour de bon, il avait été obligé d'en acheter deux autres. S'il n'en avait pris qu'un seul, l'oiseau serait probablement mort par manque d'amour ou de compagnie.
Je ne connaissais pas d'autres animaux à acheter par deux comme les chaussures. Je m'imaginais entrer dans une animalerie et demander une paire d'inséparables, pas trop grande, juste à ma taille, au vendeur. Et dans mon scénario, le vendeur ne comprenait pas. Alors je rigolais tout ce que je pouvais et je lui redemandais la même chose. Je lui demandais s'ils faisaient aussi des modèles pour femmes ou des modèles pour l'été. C'était drôle de comparer les inséparables à une paire de chaussures.
[...]

(Extrait de projet en cours)

Si tu veux voir un peu de bleu


À la vitesse
avec laquelle
les nuages
se réunissent
et s'apprêtent
à festoyer
dans ton champ
de vision
ne traîne pas trop
avant de
relever la tête

Bouche trou


Les saisons
trouent les jours
les disparitions
trouent les jours
les années
trouent les jours
les échecs
trouent les jours
les disputes
trouent les jours
Tu colmates

Vacarme - silence - vacarme - silence


Chaque silence
naît d'un vacarme
grandit puis devient
vacarme

La bouffe de son troupeau


Assis près d'elle
et pourtant ignoré 
jusque dans ses plus
maladroites tentatives
de rapprochement
voilà 10 minutes
qu'il devenait
petit à petit
l'herbe à brouter
du troupeau
de nuages
qu'elle surveillait

Escalade spéléologique


Pour gravir
les échelons
il a dû descendre
bien profondément
dans son estime

Les révoltes ne prennent pas une ride


Il n'est jamais
trop tard
pour bien défaire

Sans rancune avec le ciel


Tu ne me feras pas croire
que ceux qui meurent
s'en vont se planquer
quelque part
dans ton ventre
pour y commencer
une nouvelle vie
ou encore se fabriquer
des cabanes en nuages
avec l'aide d'un grand type
et de ses potes ailés
mais ça ne m'empêche pas
d'apprécier et d'avoir besoin
chaque jour
de ta lumière
sur les épaules

Manquerait pas grand chose


Le passé
nous frotte le dos
l'avenir prépare
un masque
à étaler
sur nos visages
Ah
S'il n'y avait pas
tous ces petits
à côté
qui nous attachent
les mains

Rendre à César ce qui lui appartient


Ce poème
doit tout
au ronronnement
du chat

Réactions en chaîne


Les bourrasques
se contentent
du vide
Les arbres
se contentent
des bourrasques
Il se contente
des arbres
Elle se contente
de lui

Nécrologie - Les Anderson


Comme une odeur de sapin, 
ce matin chez Le Grand Bazart...

Savourer ses privilèges


On n'est que
très rarement
à sa place
dans le rêve
de quelqu'un d'autre

Je ne vous oublie pas


Je me réveille à peine
En bas de l'immeuble
Ils s'activent à
gratter leurs pare-brise
Du plus profond
de mon plumard
j'écoute la France
qui se lève tôt
combattre le gel
et disperser quelques jurons
d'un bout à l'autre
de la rue
Je ne les renie pas
J'ai été un des leurs
et bientôt je serai de retour
tout près d'eux
avec mon propre stock
de jurons
ma part de givre
ma raclette personnelle et
mes yeux
en forme de fleurs fanées
Pour l'heure je compatis
en ne me rendormant pas
Et déjà je peux sentir
le poids de
chacun de leur juron
s'acharnant sur le givre
me rapprocher un peu plus
de leurs plaies

Parution - RAL,M n° 78 - janvier / mars 2012


Quelques poèmes dans la RAL,M n°78,
revue en ligne du Chasseur Abstrait,
à télécharger par ICI.

Parution - À la dérive n°3 - janvier 2012


Petite contribution au troisième numéro d'"À la dérive", 
piloté par le fameux capitaine Alain Giorgetti.
C'est à lire ICI (sommaire copieux et complet en p4).

histoire d'entraînement


Lestés de
nos tourments
en apnée
à l'intérieur
de nous-mêmes
nous apprenons
petit à petit
à toucher
le fond

Sac de frappe


21H30
La transpiration se mêle
à l'air glacial
Tommy s'acharne sur
son sac de frappe
Entre deux poings
de sa bouche s'échappe
"faut quand même
être con pour cogner
tous les jours dans un sac
quand il y a tellement
de types à qui
on rêverait de refaire
le portrait"
Extrait de projet en cours...

Le rhum du temps qui passe


Approche ton godet
le temps presse
un citron vert

Garder sa langue


Elle aurait dû tourner
7 fois sa langue
dans sa bouche
au lieu de la tourner
7 fois
dans celle de ce type

Champs d'altitude

© photo : Olivier De Sépibus

"On ne calcule pas un feu, on l'entraîne tout au plus à ne pas trop désobéir. Tout ça n'est qu'une histoire de vent dans les herbes jaunies. Le feu protège la nuit qui elle veille sur la glace. C'est aussi simple que ça."

Micro extrait d'un texte inspiré du chouette travail "Champs d'altitude" d'Olivier De Sépibus, issu d'un travail collectif à paraître aux éditions Nuit Myrtide.

Fille de joie


Son corps était
une planque
pour les poivrots
de passage
Ils se cachaient
tout à l'intérieur d'elle
au plus près de
ses entrailles
pour voir passer
leurs soucis
et s'en retournaient
à la rue
dès qu'ils avaient disparu

Une pierre dans l'eau


On reconnaît 
le passé
aux remous
qu'il laisse
dans l'eau dormante
du présent

Les sauvetages


Il y a un truc qui cloche. Sûr. Les arbres se laissent pourrir et les ouvriers se frottent les mains. Comme s'ils se les lavaient avec du vent glacé. La dernière fois qu'un bourgeon excentrique a pointé le bout de son nez, un merle s'est occupé de son cas. Ce devaient être le dernier merle et le dernier bourgeon. Les batailles sont loyales lorsque deux bons derniers se battent pour le titre et qu'il n'y a plus personne pour les encourager. Impossible de prédire combien de temps tout cela durera. Une, deux, trois saisons peut-être. Le temps que tout s'enraie bien comme il faut et que la neige devienne mélasse. Et que la mélasse prenne feu. Et qu'elle réchauffe les yeux. Parce rien n'est plus apaisant qu'une sécheresse oculaire. Tant que les nuits s’entêteront à déconstruire la lumière, je veux que tes sourires continuent leurs sauvetages.

Au fond de la classe


Près du radiateur
les exercices de maths sont
moins difficiles
les salles d'attente
plus supportables
les pauses sous les néons
moins rugueuses
les déceptions
plus savoureuses
les adieux
plus confortables
et l'isolement
légèrement plus
peuplé

Cataclysme de fourmi


Une sonnerie
deux sonneries
trois sonneries
Une oreille
une voix
Bonjour c'est un sondage
pour mieux connaître
les habitudes
de nos auditeurs
euh
vous écoutez notre radio ?
euh
combien de fois par semaine ?
euh
bip
bip
bip
Même silence
qu'après l'explosion
d'une planète
microscopique

100 % coton


Les journées
sont suffisantes
quand elles n'imposent
rien d'autre
à notre peau
que le tissu d'un oreiller
le cuir d'un canapé
le poil d'un animal
ou la chair fraîche
de deux lèvres

Ils auraient bien mieux à faire


L'heure est venue
de reconsidérer
les héros
de les aimer
avec modération
Car même si
Batman ou Superman
ou Wonderwoman
ou Spiderman
existaient vraiment
pensez-vous
qu'ils seraient là
ce matin
avec moi
les manches retroussées
devant l'évier
plein de vaisselle ?

Le premier de nous deux


Le jour a eu
du mal a se lever
moi aussi
Je ne sais pas qui
a pris exemple
sur l'autre
Maintenant nous attendons
patiemment
la même chose
chacun de notre côté
de la vitre
Bornés à l'identique
Et pour l'instant
à vue de lumière tamisée
impossible de dire
lequel servira l'autre
le premier

Sommation aérienne


Si tu te réincarnes
en oiseau migrateur
j'me fous en l'air

Massacre à la perceuse


Plusieurs heures
à errer
les tripes de l'inspiration
entre les mains
Tôt ce matin
la perceuse
des voisins
a traversé
mon rêve
ma tête
et mes idées

Rencontre du 3ème type


Il n'y a pas foule
dans la rue
Il y a eux deux
quatre ou cinq oiseaux
et un sixième
qui arrive à la bourre
Alors elle met sa main
devant sa bouche
sur son front
puis enfin bien calée
au fond de ses poches
sans calculer
ce type
qui aurait donné
jusqu'à son parka
collection printemps-hiver
pour qu'elle la mette
dans la sienne

Pas de gaspillage


Le jour est une pizza
que la nuit a faite avec 
beaucoup trop d'ingrédients
Finalement
untel n'aime pas
les champignons
un autre cale
ou ne veut pas manger
car c'est trop épicé
Moi je veux bien
en reprendre une part

Entretenir la flamme


Elle s'est barrée
avec le feu
Il se démerde
avec les braises

Timbré


Un jour il en a eu sa claque de ne jamais recevoir de courrier, alors il a commencé à s'envoyer des lettres. Au début c'étaient des lettres douces qu'il se postait d'un cœur léger-flottant-dans-le-petit-matin, dans lesquelles il se disait du bien et s'embrassait à la fin. Il s'est ensuite mis à s'adresser des cartes postales, provenant toutes du même endroit, mais chacune arborant un paysage et une saveur bien différents. Puis est venu le temps des factures, auxquelles il n'a préféré accorder que très peu d'intérêt, mettant leur régularité pesante sur le compte de son manque d'inspiration. C'est à partir du jour où il s'est envoyé des menaces de mort qu'il aurait dû se douter qu'il finirait au bout d'une corde.

Un peu d'histoire


Il lui a claqué
la porte au nez
Elle s'est laissée glisser
contre le mur
Puis il y a eu
le même silence
que dans les églises
quand l'orgue s'arrête
et qu'une vieille tousse
dans son mouchoir à carreaux
Oui
c'est  à peu près là
que je situerais
le début de
l'ère glaciaire

Lettre à mon cul


Je te préviens
petit con
si tu ne te bouges pas
encore aujourd'hui
je t'étouffe
sur le canapé

Système binaire


Deux solitudes
s'annulent entre elles
La vie est
à peu près
aussi simple
que ça