Symbiose de goudron

© photo : Herbert List

Bitume lisse et brillant
tes pieds caressent
le lavis du sol
Rétines écarquillées
mains dans les poches
et clope au bec
les secondes glissent
tu les rattrapes au vol
Une de ces journées douces
où les trottoirs oublient
d'user les chaussures

Sonate au Ricard


C'est une sonate
d'oiseaux aigris
de vent
de moteurs
de toux grasses
de pluie et
de volets qui claquent
C'est une sonate
qui se joue dehors et
le chef d'orchestre
s'est barré
au PMU du coin

Ton appétit contre un rayon de soleil


Œil pour œil
dent pour dent
murmure
le soleil borgne
au vieillard
cherchant à tâtons
son râtelier

Recherche d'emploi - Quelques pistes


Mécanicien de tes rêves
Éleveur de débats
Souffleur de soupirs
Cultivateur d'idées saugrenues
Peintre en sentiments
Conducteur de bourrasque
Livreur de secrets
Ingénieur en clignement d’œil
Dresseur de table de camping

Regarde où tu marches


Le jour frappe
à la fenêtre
les muscles craquent
le corps ressemble à
un escargot écrasé
En ce moment la nuit
est un promeneur
du dimanche

Après il y a le vide


Tout ce que tu as sur le coeur
tout ce que tu as dans la peau
tout ce qui remonte en toi
tu finis par l'avoir
sur le bout de la langue

Morse


Parution - Comme en Poésie n°52 - novembre 2012


Le Comme en Poésie n°52 vient de paraître.
Ce numéro est une carte blanche à Marc Bonetto.
Le sommaire sent bon, merci à lui pour l'invitation !

Au sommaire :
Dialogue entre deux portes
Patrice Maltaverne
Thomas Vinau
Serge maisonnier
Patrick Frégonara
Thomas Grison
Hélène Dassawray
Pierre Anselmet
éric Dejaeger
Thomas Pourchaire
Thierry Roquet
Florence Boutet
Fabrice Marzuolo
Alain Sagault
Alexis Alvarez
Christian Chavassieux
Théophile de Giraud
Marléne Tissot
Fernand Chocapic
Stéphane Bernard
Bernard Deglet
Alban Orsini
Cathy Garcia
Guillaume Siaudeau
Olivier Gay
Nelly Dubois
Alain et Nadia Giorgetti
Emmanuel Régniez
Virginie Holaind
Hervé Merlot
Armand le poëte
Cartes légendées, la cité critique.
Photos de Corine Leridon
numéro de découverte d'auteurs

Le numéro 3€. Abonnement 12 € à comme en poésie 2149 av du tour du lac 40150 Hossegor
Paypal : j.lesieur@orange.fr

Inverser les rôles


Dans cette salle d'attente
les mouches
passent leur temps à
enculer les hommes

La cueillette


Tu es un fruit
que le temps
viendra cueillir
Un fruit bien mûr
aux joues roses
avec ce qu'il faut
de pépins 
dans la chair
pourtant tu ne seras plus
tôt ou tard
qu'un trognon
sous la terre

À la découverte du nouveau monde


Il n'avait connu
qu'ombres
vent
herbes
et marécages
puis le jour où 
le ragondin
sortit de son trou
il fit la connaissance
d'un pissenlit
d'une musaraigne
d'un chat borgne
d'un cheval
puis d'un pare-choc
de bagnole

Bain de minuit


Dans la flaque d'eau
deux étoiles
un moucheron noyé
un mégot
et une fraise Tagada
caricaturent le ciel

La grande évasion


combien de rêves
faut-il mettre
bout à bout
pour s'évader
d'un mauvais soir
et se glisser discrètement
vers le matin
sans tomber ?

Celui qui nous rattrape


Le passé et moi
jouons régulièrement
au chat et à la souris
Il gagne souvent

Couper au couteau

© photo : Don Limpio

Cette nuit
Je t'ai aidée
à mal dormir
Ce matin
dans la cuisine
la fumée de ton thé
se prend pour
un brouillard épais
et je me pose
à côté de toi
comme une tire enlisée
qui attend l'accalmie
pour reprendre la route

Comme à la fin d'un film


Il a gelé et
le parking en bas
est une banquise
pour les oiseaux et
le seau d'eau contre le mur
est un cimetière de glace
pour les insectes et
la rambarde du balcon
est une patinoire pour
les rayons de soleil et
les pare-brise immaculés
sont des écrans de cinéma
éteints

Entretien d'embauche


- Vous n'avez pas la tête de l'emploi.
- Je n'ai jamais cherché à lui ressembler...

Trop plein


L'heure est douce
les minutes apaisées
Quelques soupirs font la sieste
entre deux tâches ingrates
La lumière vient cueillir
le silence sur les meubles
remplit son panier
à ras bord
Il n'y a bientôt
plus de place
ça déborde et soudain
le bruit de deux voitures
qui se rentrent dedans
est celui d'un fruit juteux
qui s'écrase

Je veille sur eux

© photo : Mary Ellen Mark

Les trois cheveux
que tu as abandonnés
sur l'oreiller
se sont rendormis
sans toi

Une corde à attraper


Un truc est tombé
tout au fond de lui
bien profond dans
sa chair
les quatre pattes brisées
mais qui respire encore
et pour l'instant
aucune fille
n'a eu le regard
assez long

La ferme des animaux


Chez lui les poules
avaient des dents
les cochons mangeaient
comme des hommes
et les vaches pissaient
des averses d'été

Un p'tit jus


La brume infuse
entre les immeubles
il sort sur le balcon
dans la vapeur des choses
rallume son mégot
remonte son froc
Ce matin le ciel parle
pour ne rien dire
mais accoudé à la rambarde
il boit ses paroles
comme un jus de néant

Déserté


Un cœur sur deux
est un terrain de jeux
qui a oublié d'avoir
des enfants

Escarpins et piercings interdits


La caissière
jette un coup d’œil
à sa montre
bip bip
deux articles scannés
petit coup d’œil
à sa montre
bip bip bip
trois de plus
et un autre p'tit coup d’œil
pour la route
bip bip
les articles passent et
la caissière se demande
combien d'articles
il reste encore à biper
avant de pouvoir remettre
ses nouveaux escarpins
son tee-shirt au dessus
du nombril
(qui met en valeur
son piercing
imitation diamant rose)
et sortir enfin de là
pour embrasser son mec

À tous les DRH bienveillants de la planète


Je déclare
ne pas avoir travaillé
ne pas avoir été en stage
ne pas avoir été
en arrêt maladie
ne pas percevoir une nouvelle
pension retraite
ne pas percevoir une nouvelle
pension d'invalidité
de 2ème ou 3ème catégorie
être toujours à la recherche
d'un emploi

Sur leurs épaules


La nuit est tombée
sans se faire mal
amortie par
les épaules lourdes
de quelques hommes
prêts à veiller
sur elle

Latrines


Il reste
un poil de soleil sur 
la cuvette crasseuse
de l'automne

Ligne de fuite


On se jette à l'eau
on s'envoie en l'air
et parfois seulement
on se contente
de l'horizon

Petite annonce


Gueule de bois
massive
cherche
bûcheron
délicat